EigenLayer : comprendre (vraiment) le restaking ETH

On a beaucoup entendu “restaking” cette année. Derrière le buzzword, EigenLayer propose une idée simple et puissante : réutiliser un stake ETH/LST pour sécuriser d’autres services (AVS) et empiler des rendements sur le même capital. Efficace, modulable… et pas sans risques. Voici la version claire, sans la fumée.

Le problème que ça résout

Sur Ethereum, le staking sécurise la couche de base… mais toute la sécurité s’arrête au L1.
Les ponts, oracles, couches de disponibilité des données (DA), séquences L2, etc. doivent réinventer leur propre sécurité — cher, fragmenté, fragile.

Réponse EigenLayer : créer un marché de sécurité partagée.
Des stakers re-stake leur ETH ou LST (stETH, rETH, etc.) dans EigenLayer et “louent” une part de leur sécurité à des AVS (Actively Validated Services) : oracles, DA, bridges, middleware…
En échange : récompenses AVS supplémentaires (en plus du staking ETH).

Le cœur du mécanisme (sans jargon)

Flux mental :
ETH → LST (optionnel) → EigenLayer (restake) → choix d’AVS → récompenses AVS

  • Tu peux re-staker directement de l’ETH, ou via un LST (stETH, rETH…).
  • Tu opt-in sur un ou plusieurs AVS (avec leurs règles de slashing).
  • Tu gagnes ETH staking rewards + AVS rewards.
  • Si tu fautes (ou l’opérateur à qui tu délègues), slashing possible sur plusieurs couches.

Idée clé : l’efficacité du capital. Un même collatéral sécurise plusieurs services.

À quoi servent les AVS (et pourquoi ça compte)

Quelques cas concrets d’AVS aujourd’hui :

  • Oracles & data middleware : fiabilité de flux prix/états.
  • DA layers / modular rollups : disponibilité des données hors L1.
  • Ponts & interop : sécuriser le passage entre chaînes.
  • Séquenceurs L2/rollups : déléguer une partie de la confiance à un set re-staked.
  • Services spécialisés : attestations, random beacons, indexation…

Traduction business : au lieu de multiplier 10 sécurités moyennes, on achète une part d’une grande sécurité mutualisée (celle d’ETH re-staké).

LST, opérateurs, délégation : qui fait quoi ?

  • Stakers : réutilisent leur ETH/LST.
  • Opérateurs : run des nœuds pour différents AVS ; les stakers délèguent à ces opérateurs (comme pour un validateur).
  • AVS : définissent conditions de slashing, récompenses et SLA (ce que tu dois garantir).

Point d’attention : bien lire les règles de slashing de chaque AVS avant d’opt-in.

Les forces (pourquoi ça séduit autant)

  • Capital super efficace : un stake, plusieurs usages.
  • Modularité : on compose sa pile de sécurité selon les besoins.
  • Traction : TVL massif côté LST ETH, pipeline AVS riche.
  • Composabilité ETH : tooling, devs, L2, DeFi — tout est déjà là.

Les risques (et comment les regarder)

  • Slashing multi-couche : une faute peut impacter plusieurs positions (ETH + AVS).
  • Corrélation : si un opérateur gère plusieurs AVS et tombe, l’impact se propage.
  • Complexité système : agrégation de risques (opérateurs, AVS, marchés).
  • Gouvernance/dépendance : règles AVS, paramètres de slashing, upgrades — qui décide et comment ?

Règle d’or : diversifier opérateurs et AVS, et comprendre le contrat de risque de chaque AVS.

Où placer EigenLayer face à BounceBit & Babylon

  • EigenLayer (ETH) partage la sécurité Ethereum. C’est le restaking pur, pensé pour l’écosystème ETH/L2/rollups.
  • Babylon (BTC “pur”) exporte la sécurité Bitcoin : le BTC reste sur Bitcoin, time-lock + finality/slashing exportés vers des chaînes PoS (Cosmos d’abord). Max décentralisation, plus technique.
  • BounceBit (CeDeFi BTC) monétise la sécurité BTC : custody régulée → BBTC (LCT) → stBBTC (LST) → DeFi EVM, avec dual-staking BTC+BB. Efficace/liquide, mais risque custody/peg.

Carte mentale : EigenLayer partage (ETH), Babylon exporte (BTC), BounceBit monétise (CeDeFi BTC).

Qui devrait s’y intéresser ?

  • Builders ETH/L2 : besoin d’une sécurité “as-a-service” pour oracles, DA, bridges, séquenceurs.
  • Stakers ETH/LST : optimiser le rendement (avec compréhension du slashing).
  • Trésoreries crypto : exposer une part du stack ETH à un rendement AVS (diversifié).

Check-list pragmatique (avant de re-staker)

  • Quels AVS ? (fonction, modèle de risque, sources de revenus)
  • Règles de slashing (déclencheurs, délais, recours)
  • Opérateur(s) (fiabilité, track record, monitoring)
  • Diversification (éviter la concentration)
  • Perf net de frais (et variabilité dans le temps)

À retenir (3 lignes)

  • EigenLayer réutilise ETH/LST pour sécuriser des AVS et empiler des rendements — l’archétype du restaking.
  • Forces : capital ultra-efficace, modularité, fort réseau ETH. Risques : slashing multi-couche, corrélation, complexité système.
  • Repères : vs Babylon (BTC pur qui exporte la finalité) et BounceBit (BTC productif via CeDeFi).